Episode 7: Quand le Héros fait la rue...

6 Décembre 2017

Maintenant que je vous ai un peu familiarisés avec l'ambiance de Varsovie à travers balades et humour douteux, je vous propose de mettre enfin un nom sur toutes ces rues dont je vous parle mais que je ne nomme pas. Ainsi, pour ne pas vous imposer une explication systématique et fastidieuse de tous les noms, je ne parlerai que de ceux qui ont retenu mon attention pour différentes raisons: parce que je passe par là de façon régulière, car il s'agit de rues centrales très fréquentées ou simplement car en parler me semble intéressant.

Mais alors, pourquoi intéressant ?

Quel est l'intérêt de parler du nom des rues ? Et bien prenez le temps d'y réfléchir, quels sont les noms qui figurent sur nos panneaux, nos gymnases, nos parcs ? Et oui, il s'agit de nos personnages célèbres, ceux qui participent de la "gloire" de la France. En d'autres mots, il ne s'agit pas d'un hasard si aucune rue française, et très certainement européenne (je n'ose présager pour le reste du monde, nos confrères américains et nord-coréens offrant constamment de nouvelles surprises) ne se nomme Adolf Hitler. Ainsi donc, avoir son nom sur un panneau est une des ultimes récompenses posthumes des illustres nationaux. Par conséquent, en étudiant le nom des rues l'on peut tenter de se représenter l'histoire polonaise telle qu'elle est enseignée à l'école et donc entrevoir les éléments d'une conscience collective.

Attention cependant, cet article n'a aucune prétention scientifique, le site principal de Canardaw.com n'étant pas voué à ce but. Si vous êtes intéressés par des articles plus théoriques et sérieux, sachez que le petit frère de Canardaw, Traveling Duck qui est en projet pour le moment s'efforcera de satisfaire vos envies. Mais revenons à nos figures historiques: quels sont les acteurs du mythe national polonais ?  

En premier lieu, des guerriers !

Partons de ma rue, du nom de Ludwig Kicki, un général mort peu de temps après l'insurrrection du Novembre 1830 dans la guerre destinée à débarasser la Pologne de l'envahisseur russe entre 1830 et 1831.

Si je vous parle de cette guerre c'est parce que, outre le fait de nous offrir le thème de l'insurrection qui tourne mal, récurrent dans le contexte historique polonais, elle a visiblement constitué une source d'inspiration pour l'administration en charge de nommer les rues. En effet, non loin de Grochów, le quartier au sein duquel se trouvait le cœur de la bataille, l'on les noms de Jozef Chłopicki et Jan Skrzynecki, l'un général en tête de l'insurrection, l'autre chef de cette dernière.
Au sein du même quartier se trouve également une rue s'appelant Dwernicki, encore un général connu pour ses actions durant la même insurrection.

Au cas où vous aimeriez savoir, cette bataille contre le joug de la Russie Impériale a échoué, comme le précédent soulèvement, ainsi que le suivant.

Si je vous parle du précédent, c'est parce que ce dernier se termine également d'une façon malheureuse pour les Polonais, en faveur des Russes. Les hommes immortalisés sur des panneaux pour l'insurrection de Kościuszko en 1794 seront, et bien Kościuszko lui-même, on l'aura compris, instigateur de l’événement, ainsi que le souverain à la tête de la République des Deux-Nations : (Pologne de l'époque, intégrant la Lituanie) Stanisław Poniatowski. Poniatowski, ancien amant de Catherine II de Russie, avait été placé sur le trône polonais par cette dernière. Le but ? Conserver pour la Russie une emprise sur le pays et le maintenir en position de faiblesse. Discrédité par ses actions en faveur du développement de la Pologne, Poniatowski se positionnera alors en faveur de l'insurrection, par dépit plus que par foi en sa réussite.
Cependant, si tous les personnages mentionnés jusqu'ici ont donné leur nom à une simple rue, notons que Poniatowski lui, a un pont !

C'est ici que se termine la partie militaire de notre tour des rues de la ville.
Passons maintenant à d'autres logiques de nomination de rues, après tout la guerre c'est bien mais il faut bien reconstruire après, enfin, en quelque sorte : ajoutons donc la rue Marszałkowska, l'une des rues principales entourant le Palais des Sciences et de la Culture. Si l'on pourrait simplement traduire par la Rue du Maréchal, il est intéressant de savoir que le maréchal dont il est question s'appelait Franciszek Bieliński et qu'il était en fait Maréchal de la Couronne, réfractaire à la modernisation de la ville. Quelle ironie d'avoir donné son nom à une des rues les plus modernes de la capitale. A quand une rue Jakob Ammann ?      

Il est toujours l'or 

Blague à part, changeons de domaine : non loin de la rue Kickiego, se trouve celle de Goclawek : Ulica Goclawska.
Ici le nom proviendrait tout simplement de celui des premières personnes à s'y être installées. Rien à ajouter à ce sujet, même si bien sûr il est maintenant difficile de déterminer la véracité de cette légende.

Partant sur le même principe, une des rues perpendiculaires à Marszałkowska, les allées (oui c'est au pluriel) Jerozolimskie, qui prennent leur nom d'une sorte de quartier juif qui se trouvait aux environs au XVIIIème siècle. 

Mais qu'en est-il des inventeurs ?

De ce côté-là, je peux vous proposer l'honorable Ludwig Zamenhof, dont l'invention est mondialement connue, contrairement à l'homme.
Cela ne vous dit rien ? L'on parle pourtant d'un prix Nobel de la Paix.
Très bien : Monsieur Zamenhof est l'heureux inventeur de la langue Espéranto, l'une des première dans le genre des langues inventées et certainement la plus aboutie à l'époque avec en 1887 la publication du premier manuel d'apprentissage, destiné à un public russophone. Dans la catégorie la vue ne fait pas le Polonais, il est intéressant de noter que malgré la maîtrise de plusieurs langues de Zamenhof, il était ophtalmologue de formation. Une raison de plus pour croire à ses projets. En effet, même si l'espéranto n'a pas connu l'essor qu'espérait son inventeur, il possède néanmoins un rayonnement mondial et a influencé de nombreux linguistes quant aux possibilités de création d'une langue artificielle.

Si vous souhaitez en savoir plus sur cette « langue internationale », sachez que le musée national de l'espéranto en France se trouve à Gray, en Haute-Saône.  

image cf: http://www.festivaldesculturesjuives.org

Il descend de la montagne... à skis....  

Parlons maintenant de Titus Chalubiński, qui donne son nom à une rue du côté de Mokotów, au sud de la ville.
Médecin et amoureux de la nature du XIXème siècle, il est responsable de la popularisation et du développement de Zakopane, la station de ski par excellence des Polonais, au sud de Cracovie et lieu particulièrement touristique de nos jours.

Enfin, Jerzy Siennicki, donnant son nom à une autre rue non loin de ma résidence, était un architecte ayant joué un grand rôle dans la construction de logements à Lublin, autre ville polonaise.
Peut-être que l'administration commençait à manquer d'inspiration le jour de l’inauguration de la rue en question....  

Si l'on jette un oeil à la façon donc les deux combattantes sont représentée on remarque bien la différence des modes franco-polonaise au sein de la peinture. Cela dit, dans la mesure où il est difficile d'imaginer des femmes aussi gracieuses se battre, on se rend bien compte que ce sont des hommes qui ont fait ces portraits. 

Voilà la fin de notre tour d'horizon des rues de Varsovie, à moins que... mais.... Où sont les femmes ?  !

Bonne question !!

A ce jour je n'ai trouvé qu'une seule rue portant le nom d'une femme: la rue Emilii Plater, au centre-ville. J'ai donc enquêté sur cette femme qui a mérité d'avoir son nom sur une plaque et il se trouve qu' Emilie Plater... était la Jeanne d'Arc de l'Insurrection de 1830 ! Mais c'est bien sûr, pour qu'une femme ait le droit de voir sa mémoire perpétrée, elle doit s'être battue !

Concrêtement Emilie Plater était une noble qui a prit une part active aux combats du côté polonais.

En somme, il s'agit d'une égalité des sexes avant l'heure, si les combattants possèdent la primauté sur la nomination des nouvelles rues, peu importe leur sexe.
​En fait, il suffisait seulement pour les femmes d'apprendre à combattre en plus d'élever les enfants et de faire le ménage et la cuisine. Fastoche !

Emilia Plater cf:  https://kobieta.wp.pl
Jeanne d'Arc cf: wikipedia.com

A la semaine prochaine !

Et voilà la fin du tour d'horizon des rues de Varsovie et vive la guerre  heu.... vive la science ! 
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Je vous souhaite une bonne semaine et à mercredi prochain !

               

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