Episode 1: Here we go again 

30 janvier 2016

Strasbourg

Si vous avez déjà visité une ville à l'étranger, vous comprendrez bien mon propos quand je dis que tout ce que l'on y voit, pour peu que voyager nous intéresse, revêt un intérêt dingue. Une maison "typique" et l'on trouve l'endroit pittoresque à souhait, un jeune couple qui se tient la main et l'on ajoute "romantique" à pittoresque, une statue d'un général de guerre au nom à la consonance terriblement locale et l'on s'imagine déjà les incroyables exploits qu'il a pu accomplir, et surtout l'on se demande comment il est possible qu'un homme aussi illustre soit inconnu dans notre propre contrée.

Bref, vous aurez saisi ma pensée, l'herbe est toujours plus verte ailleurs et il est très facile d'idéaliser ces portions de vie lorsqu'elles défilent devant nous l'espace d'une semaine où de quelques jours.  


Oui mais voilà, comme le dit un proverbe russe :

si l'herbe est plus belle de l'autre côté de la rue alors c'est qu'il faut mieux s'en occuper de ce côté-ci. 


C'est une des raisons pour lesquelles j'ai décidé de rentrer quelques temps au Pays des Fromages qui Puent. En y ajoutant un peu de chou, de saucisses et de lardons j'ai troqué ma moutarde contre la choucroute et ai élu domicile à Strasbourg.

Un nouveau départ, tout à refaire, tout à recommencer.  


Kehl est le Chemin ? 

La possibilité de changer de pays l'espace d'une journée ou même de quelques heures m'a toujours plu. Plus jeune les longs trajets me fascinaient. Par dessus tout j'aimais voyager de nuit. Toute cette potentialité qui se profilait devant moi alors que la population dormait ! Alors que Mr. Durand rêvait à sa prochaine journée au travail, je me dirigeais vers l'inconnu et la sensation de découverte m'empêchait de baisser la garde.

A l'heure actuelle, je peux prendre le bus et en une trentaine de minutes me retrouver à Kehl, la ville frontalière allemande collée à Strasbourg, puis quelques heures plus tard refaire le chemin inverse. Sans bagages. Sans l'énorme valise bleue dans laquelle je suis habituée à fourrer uniquement mes possessions les plus essentielles et rien de plus.  

Argent prêté vaut mieux que 2 tu l'auras

Vestiges de la Bataille de Stalingrad

Le changement est total et le passage d'une vie d'aventures russes à une petite routine strasbourgeoise est brutal.

Je sais que d'ordinaire l'on recherche le confort, l'espace et la propreté mais malgré le sympathique petit parc bien propre dans lequel je vais courir, il y a toujours une partie de moi qui regrette le vilain stade mangé par l'herbe et squatté par les chiens errants de ma résidence miteuse à l'Université de Volgograd. Peut-être parce qu'à Volgograd, il se trouvait presque toujours quelqu'un que je connaissais à peine pour se moquer gentiment de moi quand j'avais mal couru et pour me proposer d'aller à l'autre bout de la ville dans un bar pouilleux fêter la vie avec des amis.

A ceux qui me répondront que c'est une vision très superficielle de l'amitié, je leur répondrai que la Russie est un pays où il est parfaitement possible, dans la vie courante, de demander de l'argent à son voisin de palier que l'on ne connais absolument pas tout en recevant une réponse positive.

Vous prêteriez de l'argent vous, même à un ami ?  


A quand le Skip Machine Stadium ? 

Centre ville de Passau, Bavière

Si je parle de tout ça, c'est pour en arriver à un point précis : vous présenter le contexte de ce nouveau départ alsacien. Pour ceux qui ont lu mes 2 (bientôt 3 !) chroniques sur la Bavière, vous savez que j'y ai vécu cet automne. Si je ne parle pas vraiment de ce séjour là c'est parce qu'il ne m'a pas autant marqué que la Russie, bien qu'il ait amorcé ce nouveau départ.

L'allemand est ma seconde langue étrangère et même si les choses ont fait que le russe l'a maintenant supplantée, je garde quand même une admiration pour cette langue de rigueur et d'opacité.

J'ai déjà hâte de partir à la découverte des villes allemandes voisines telles que Baden – Baden et Stuttgart, la ville dont le stade de foot s'appelle Mercedez-Benz Arena, ce qui suffirait à me faire rire si je ne savais pas qu'au sud-ouest de notre beau pays les miracles du capitalisme nous avaient donné le stade Matmut Atlantique (Lequel n'arbore encore pas les têtes photoshopées des vendus Chevallier et Laspalès mais cela ne saurait tarder, j'en suis sûre. ).

Mais avant de repartir explorer des lieux inconnus, il y a toute une petite routine à créer pour faire naître ce sentiment illusoire de sécurité et c'est ce qui occupe principalement mon esprit ces temps-ci.  

Mise en haleine 

C'est dans cet état d'esprit que je me rendis ce samedi à la bibliothèque, pardon modernité oblige – à la médiathèque de mon quartier pour participer au club de lecture organisé chaque mois. Étant d'ordinaire grande lectrice j'ai trouvé le prétexte cohérent pour tenter de reconstruire ma vie sociale qui, malheureusement, n'est pas rentrée avec moi en France.  

C'est cette courte histoire que j'ai choisi de vous raconter aujourd'hui...

La Salle était spacieuse, il y avait des petits gâteaux, du café et une bibliothécaire d'un temps où le les livres ne faisaient pas *Biiip* quand on les empruntait. Pleine d'optimisme, je m'imaginais déjà repartir avec des adresses mails, des numéros de téléphone et des perspectives de rencontres ultérieures.

Peu à peu les gens arrivent et s'installent, nous sommes une dizaine avec les retardataires.

Pour rompre la glace, la bibliothécaire se lance. Tout de suite, une dame à la coiffure improbable nous explique qu'elle a vu un film de Truscesco Machinestrucos qui parlait presque du même sujet et nous demande si nous aussi nous l'avons vu puis enchaîne sur toutes les séries télés américaines du moment qui passent à la télé et "oh lalala les doublages français sont vraiment terribles on dirait Mac Gyver qui est rentré dans la police....."

A côté de moi et pendant la logorrhée de la Dame à la Coiffure Improbable se trouve le Monsieur qui Boit du Café. Il le sirote doucement et puis quand il a terminé son gobelet il va en rechercher un autre. Les gens le regarde traverser la salle pour aller quérir le noir liquide, finalement il prendra une part de gâteau avec. La Dame à la Coiffure Improbable est imperturbable : «  j'avais vu un film avec elle et avec un autre acteur que j'aime bien aussi, Julien..., Julien... bref je sais plus comment il s'appelle mais j'avais vraiment adoré, ça me rappelle un livre que j'avais lu y'a un moment..... »

La bibliothécaire acquiesce patiemment tout le long de la tirade, elle est la seule visée par le regard de la Dame.



Le Diable se coiffe en Bernadette Chirac

Le temps passe et la bibliothécaire élève le débat sur un livre que j'ai lu.

Sentant mon heure de gloire arriver je m'élance et profite que le monopole de la parole soit brisé pour apporter ma contribution. La dame à la coiffure improbable écoute attentivement puis bien sur, nous offre son opinion en la matière : « ah bah oui effectivement ça a l'air bien, ça me rappelle un livre de James.... ah comment il s'appelle déjà ? Bref, ça parle de jeunes aux Etats-Unis qui se droguent, franchement j'ai adoré, je m'y croyais.... ». Un jeune homme que le destin a placé à côté de La Dame tente une question part rapport à mon intervention, je lui réponds rapidement puis le manège continue.

Le Monsieur qui buvait du café boit du café, la bibliothécaire qui acquiesçait patiemment acquiesce patiemment et cela continue de plus belle.

Soudain, une Dame que nous appellerons la Dame Passionnée, a commence à participer. Étonnement, le rire à la fin de chacune de ses phrases lui permet d'attirer suffisamment l'attention pour que la Dame à la Coiffure Improbable se taise et la laisse parler. La ruse fonctionne juste assez pour lui permettre de mener son intervention à terme. A côté d'elle, la Dame aux Sourcils Accusateurs les fronce pour signaler son approbation de temps en temps.

La Séance arrive à sa fin et le jeune homme à côté de la Dame à la Coiffure Improbable fronde en forçant le changement de sujet. Nous passons au CD de l'amérindienne qui fait la grimace quand elle chante. Il s'agira de la dernière phase. Les gens se dispersent, j'échange avec la bibliothécaire un court instant, avant que Devinez-Qui s'en aperçoive et accoure pour accaparer cette attention qui n'est – quelle infamie ! Pas dirigée sur elle.

Vaincue, je me dirige vers la sortie.

La dernière chose que j'entendrai avant de m'en aller sera:  « c'est bien aujourd'hui y'avait du monde, d'habitude on est vraiment pas beaucoup, au moins, on a pu un peu plus échanger ! »

Moralité : La gentillesse est parfois un machiavélisme qui s'ignore.

Honni soit qui mal y pense 

J'ai tenu à partager avec vous cette séance qui au final m'aura quand même fait bien rire et dont j'espère qu'il en sera de même pour vous.

Je tiens à préciser que même si les personnes évoquées sont réelles, mon but n'est pas de blesser qui que ce soit, simplement de faire rire.

La vraie morale de tout ça c'est que, comme dirait ma Grand-Mère : « La vie c'est pas ce qu'on croit »  et qu'il faut apprendre à sourire même si tout ne vient pas exactement comme on l'aurait souhaité. Tel est du moins le credo que j'essaie d'appliquer à ma nouvelle vie en attendant de trouver mes marques.


Si cette chronique d'un nouveau genre sur le site vous a plu ou si vous avez un commentaire à faire, n'hésitez pas à vous exprimer, ici, par MP ou sur Facebook !

               

acebook


Facebook/canardaw.comfrench